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six semaines dans un phare.

Tout à coup les zouaves et les tirailleurs algériens bondissent sur l’ennemi. Bosquet dirige l’attaque que le commandant Barral appuie avec une batterie. Le général Canrobert est au milieu du feu, animant ses soldats par son exemple. Ils s’élancent à travers les broussailles, courent, rampent, disparaissent un instant pour reparaître plus terribles et semblent des lions déchaînés. L’ennemi est chargé avec ardeur. Les Anglais reprennent leurs positions. La victoire n’est plus aux Russes, mais nous ne la tenons pas encore, non plus. Tant s’en faut.

Le corps de siége est assailli, ses avant-postes culbutés et ses tranchées envahies par un corps sorti de la place à la faveur du brouillard. Une mêlée sanglante est engagée. Deux de nos batteries sont prises, huit canons encloués. Les troupes se replient en désordre, mais les Russes sont bientôt arrêtés par des détachements de marins qui reprennent une vigoureuse offensive et les chargent avec fureur. Les ennemis se débandent et sont rejetés pêle-mêle dans l’intérieur des batteries, dont les épaulements deviennent un obstacle à leur retraite. Entassés avec confusion dans cet espace étroit, ils sont massacrés au milieu de nos pièces. De tous côtés arrivent des détachements de marins. Les cadavres russes qui encombrent les batteries sont rejetés en dehors et les pièces que l’ennemi, dans sa précipitation, avait mal enclouées, sont aussitôt remises en état et commencent le feu sur les Russes, qui ne sont pas encore rentrés dans la place. Le général de Lourmel se met à leur poursuite jusqu’à trois cents mètres du bastion de la Quarantaine. Il tombe mortellement frappé et la retraite de sa brigade est couverte par les canons de nos marins.

Sur le plateau d’Inkermann, la victoire est certaine. Partout l’ennemi est repoussé et notre artillerie porte dans ses rangs d’affreux ravages. Les colonnes s’écoulent les unes sur la ville, les autres vers le pont d’Inkermann, que les deux jeunes grands-