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cartahut.

marine prend immédiatement position sur la falaise du sud pour couvrir la plage contre les attaques des cosaques et des tirailleurs ennemis.

Nos vigies placées au haut des mâts cherchent à découvrir l’ennemi ; mais celui-ci ne bouge pas. Des cosaques sont seuls visibles au loin sur les falaises. Ils regardent impassibles le débarquement de nos troupes qui ne dura pas moins de sept heures. Le maréchal de Saint-Arnaud, épuisé par la maladie, ne descendit qu’après avoir vu son armée se grossir et se mettre en marche. Quand il fut à terre, nous le vîmes pâle, courbé sur son cheval, donner ses derniers ordres et disparaître suivi de son état-major et d’un escadron de spahis.

De son côté, l’armée anglaise était débarquée dans le même ordre. Aussi, quand tout fut terminé, on entendit sur tous les vaisseaux des hourras frénétiques qui frappèrent comme des présages de combat les échos de la Crimée.

Le lendemain de cette belle journée, la mer devint si grosse qu’on ne put débarquer l’artillerie. Mais le surlendemain, en profitant avec activité de quelques embellies, la quatrième division, la division turque, trois jours de vivres pour les troupes, le reste de l’artillerie et les bagages du maréchal furent mis à terre. Enfin, le 16 au matin, on déchargea tous les chevaux, le matériel de campement, celui du génie et du train, des équipages ainsi que deux cent mille rations de toute nature. La cavalerie et les vivres furent ramenés de Varna et nos chalands achevèrent le débarquement du matériel de nos alliés.

On peut dire sans trop d’orgueil que ce premier succès était à la marine, qui en quelques jours avait déposé soixante mille combattants sur la terre ennemie. C’est elle qui avait pris la France guerrière dans les ports de Marseille et Toulon, lui avait fait traverser les mers et l’avait déposée saine et sauve sur ce sol de Crimée, qu’elle devait illustrer par d’héroïques combats. Si nous