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cartahut.

Mais le vent qui chasse la fumée nous montre le combat. La batterie du port impérial, les magasins et les navires que ce port renferme, sont criblés de nos obus et de nos boulets. Au milieu de foudroyantes détonations, les projectiles éclatent et bondissent de toutes parts, des raies de feu sillonnent comme des éclairs la fumée qui nous dérobe encore une fois la vue de nos frégates.

Six chaloupes anglaises s’avancent vers le nord et lancent des fusées à la congrève sur le môle, mais tout à coup nous les voyons se replier sur le groupe des frégates, car elles sont battues par une batterie de campagne que l’ennemi vient d’établir sur la plage. C’est sur ce point que le Mogador concentre son feu. Cette batterie est foudroyée et opère sa retraite après avoir été cause que nos obus ont mis le feu aux maisons qui étaient derrière elle.

Partout le combat est engagé. C’est un orage qui se croise dans l’espace. Aux détonations de l’artillerie se joignent les craquements lugubres des toitures enflammées qui s’effondrent, et des murs brisés qui s’abattent. L’incendie est dans les magasins, les casernes et les navires du port d’Odessa : les flammes montent et tourbillonnent, et nous voyons, derrière elles, la ville calme et respectée par nos boulets.

La poudrière saute. À cette explosion répondent comme un tonnerre vivant les acclamations des équipages. Nos frégates s’avancent de deux encâblures pour foudroyer les batteries du port de commerce, malgré le feu nourri des mortiers établis sur les hauteurs d’Odessa. La destruction du port est bientôt achevée, la ville d’Odessa est à notre merci, mais les frégates ont reçu l’ordre de cesser le feu. L’amiral voulait infliger un châtiment non à la ville, mais aux autorités militaires d’Odessa, pour avoir tiré sur un pavillon parlementaire.

Toute la nuit qui suivit fut éclairée par les flammes de l’incendie du port. Le lendemain, ça brûlait encore. De la flotte, il ne restait que deux navires ; de la forteresse, des murs démantelés,