Page:Garnier - Six semaines dans un phare, 1862.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
six semaines dans un phare.

À peine rentré à bord, le lieutenant ne prit pas de repos ; il arma un autre canot et revint à terre pour chercher les malades. Les postes qui étaient restés dans l’île étaient prévenus et se tenaient sur leurs gardes, mais il fallait leur porter un prompt secours.

De retour à terre, on releva les postes des malades qu’on fit embarquer. On abattit les tentes, et comme on était obligé de passer la nuit, on se fit un retranchement avec des tonneaux pleins d’eau que gardèrent vingt sentinelles. On se coucha tout habillé, les fusils chargés à côté de soi et on attendit le jour. Rien ne parut : on entendit bien les indigènes rôder autour du campement avec un bruit pareil à ceux des animaux sauvages, mais voilà tout. Le lendemain arriva un nouveau détachement qui venait faire du bois et de l’eau. Vers midi, les sauvages vinrent en forces, mais sans oser attaquer. Le tambour battit la charge et nos soldats, environ au nombre de trente (les autres défendaient les postes), marchèrent droit à l’ennemi, sans tirer, la baïonnette au fusil. Les sauvages se sauvèrent dans le village où nos soldats allèrent les chercher. On emporta d’assaut chaque maison à laquelle on mit le feu, et de village en village, on les poursuivit jusqu’à la mer. Nous n’avions qu’un soldat blessé, et il y avait deux cent cinquante Zélandais tués, blessés ou prisonniers.

Le soir même, il ne restait pas un sauvage dans l’île, tous avaient fui et passé le détroit pour aller se réfugier dans la grande terre où il était impossible d’aller les attaquer. Et cependant là étaient les arbres dont on avait besoin pour refaire le mât de beaupré et le mât de misaine d’un des bâtiments désemparé. D’un autre côté, la mort de son capitaine n’était pas vengée sur son meurtrier Takouri, et le lieutenant Crozet voulait non-seulement la venger, mais retrouver la preuve que l’officier était réellement mort et non prisonnier.