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le père la gloire.

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çais, qui adoraient leur capitaine, mais M. Crozet ordonna de marcher droit et serré, sans un mouvement qui pût faire croire aux sauvages qu’ils avaient compris. On fit ainsi deux lieues en silence, l’œil au guet. Mais grande était l’impatience, celle des vieux surtout.

— Amis, leur dit le lieutenant, n’oubliez pas que nous avons encore deux postes à relever. Si nous succombions, nos vaisseaux seraient à la merci de ces brigands, et nous ne serions pas vengés.

On arriva au rivage couvert d’un millier d’indigènes. La petite troupe passa fièrement au milieu d’eux, et s’embarqua dans la chaloupe ; seulement, comme ils s’approchaient trop près, le lieutenant prit un pieu, marcha droit au chef, le planta à dix pas devant lui, à trente pas de ses hommes, et lui fit comprendre que le premier qui franchirait cette limite, il l’abattrait de sa carabine.

À peine la chaloupe chargée des soixante hommes s’éloignait-elle du rivage qu’une grêle de javelots s’abattait sur les Français et que les tentes laissées à terre étaient incendiées.

À cette vue, la fureur des matelots ne connut plus de bornes. Le lieutenant lui-même n’osa pas y mettre un frein. Quand la chaloupe fut en mer, les quatre premiers tireurs de l’équipage firent feu sur les sauvages ; quatre hommes tombèrent. Ce fut un feu roulant, d’autant mieux ménagé que c’étaient toujours les mêmes qui tiraient, les autres ne faisant que charger les armes. Cinquante sauvages furent abattus en quelques minutes. Mais loin de les mettre en fuite, les coups de feu ne faisaient qu’augmenter leurs cris de menaces. Ils croyaient que leurs compagnons, effrayés par ce bruit de tonnerre, étaient tombés de peur et allaient se relever. Mais quand ils virent le sol jonché de cadavres et la mer se rougir de sang, ils s’enfuirent épouvantés.