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le père la gloire.

avaient entretenu des relations amicales avec toutes les nations du globe, excepté pourtant avec les Chinois qui leur faisaient continuellement la guerre. Il y a beaucoup de petites îles qui sont dans le même cas, car les Chinois sont les plus mauvais voisins de la création. Ce sont les Anglais de l’Asie.

— Oh ! fit Paul, en se récriant.

— Je n’aime pas les Anglais, et Chasse-Marée non plus, n’est-ce pas, mon vieux camarade ?

Et dans les yeux du vieux marin, Paul vit luire un éclair.

Le père La Gloire reprit son récit :

— Or, ce n’était pas la première fois que le Suffren abordait dans cette île, où il trouvait de l’eau fraîche, du riz en quantité et des fruits de toute sorte. Le capitaine envoya l’officier et un détachement faire de l’eau, et prévenir en même temps le grand chef, que si par hasard un mousse débarquait chez eux, on eût à le retenir prisonnier avec les plus grands égards jusqu’à son retour. Malheureusement la tempête l’avait forcé à chercher un abri dans le port le plus proche, et comme il était forcé de repasser à une lieue de l’île, il mit en panne, et envoya de nouveau l’officier et ses hommes que les sauvages vinrent chercher à moitié chemin dans une pirogue pour leur annoncer la nouvelle, afin de me rapatrier au vaisseau. Les sauvages ne comprenaient que quelques mots d’anglais. C’est dans cette langue que mes soi-disant sauveurs avaient communiqué avec eux.

Je revins à bord, où je fus reçu avec tous les égards dus à mon escapade ; vingt coups de garcette. Mais on ne me fit plus de misères et quand, dix mois après, je rentrai au Havre, j’étais un novice des mieux éduqués. Mon père était mort dans l’intervalle, et, avant de commettre cette bévue, il avait commis celle de se remarier avec une veuve qui avait trois enfants plus grands que moi. Tous normands dans l’âme. Il eût fallu plaider, mais ma foi, j’avais pris du goût à la mer et, bien que mon instruction fût très-