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le père la gloire.

dormir ; Cependant le repos est si nécessaire à un enfant que, après avoir bu quelques gouttes d’eau, mes yeux se fermèrent, et un sommeil agité m’étendit sans courage dans le fond de ma barque. Je dormis, et quand je m’éveillai, je vis devant moi les côtes dentelées d’une île.

La brise se maintenait, douce et fraîche. Je pus aborder. On eût dit que cette île n’appartenait pas à la mer de Chine, tant ses côtes étaient luxuriantes de végétation. À cette époque j’avais trop peu voyagé pour m’en apercevoir. Aujourd’hui j’ai le droit d’en faire l’observation. Le point où la brise poussa ma barque devait être l’embouchure d’un fleuve. Les bords étaient remplis d’ajonc, sur lesquels des arbres énormes élançaient leurs branchages touffus, — Si cette île est inhabitée, me dis-je, ces arbres me donneront à manger.

En effet, je voyais suspendues sous les larges feuilles des cocotiers des noix qui me faisaient venir l’eau à la bouche.

Enfin je débarquai. Au moment où je m’apprêtais à cueillir mon déjeuner, je vis dans les ajoncs se remuer deux immenses cuirasses qui reluisaient au soleil. C’étaient deux crocodiles qui se battaient. Le bruit que je fis en courant pour rejoindre ma barque fit cesser leur querelle, ils me regardèrent et se mirent à ma poursuite.

Un crocodile court bien, mais la peur donne des ailes, et j’étais déjà dans ma barque, quand mes deux ennemis se jetèrent à la nage. Ma barque allait à la dérive et les nageurs l’atteignirent bientôt. Au moment où je prenais une rame, l’un d’eux ouvrait sa mâchoire pour saisir mon bras, je me relève et lui en assène un coup violent sur la tête. L’autre arrive au secours de son camarade et heurte violemment la proue. Ces deux mouvements lancent ma barque dans le courant. Une vague nous sépare, je fais force de rames, et de loin j’aperçois mes deux ennemis, renonçant à l’espoir de m’atteindre, reprendre leur conversation interrompue !