Page:Garnier - Six semaines dans un phare, 1862.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
six semaines dans un phare.

— Oui, crie le lieutenant, et l’équipage répond : À l’abordage !

Nous n’avions garde d’assurer nos couleurs nationales. C’était un duel, une revanche.

Tout le monde est prêt ; les hunes ont leur monde, des grenades y sont placées en abondance. Sur la drôme et dans la chaloupe sont nos meilleurs tireurs.

— À plat ventre, tout le monde, jusqu’à nouvel ordre !

Pendant ce temps le vaisseau ennemi vire de bord pour nous rallier. Nous en faisons autant afin de gagner sa hanche. À ce moment, il nous lance sa bordée, qui passe par-dessus nous. Nous le laissons arriver pour le maintenir toujours sous notre écoute. Le volcan de sa batterie fait encore irruption et éclate. Nous y perdons notre petit mât de perroquet. Enfin le Triton, prenant vent sous vergue, s’élance sur son ennemi avec la rapidité d’un oiseau de proie.

L’Anglais veut nous lâcher une quatrième bordée ; mais ayant cargué la grande voile, il manque à virer et décrit une longue abatée sous le vent. Notre Triton, alors ombragé par les voiles du vaisseau anglais, rase sa poupe majestueuse, se place contre sa muraille de tribord et se cramponne après lui avec ses griffes de fer.

À l’abordage !… L’intervalle qui sépare les deux navires est franchi, et nous tombons sur l’ennemi. C’est un navire anglais ! Il était peut-être à Trafalgar ! Mais non, ce n’est qu’un navire de commerce approprié au transport des troupes dans l’Inde. Richesse et vengeance, voilà notre lot. À l’abordage !…

Les officiers anglais, trahis par leur brillant uniforme, tombent sous les balles de nos tireurs, tandis que la première escouade d’attaque, atteignant le gaillard d’avant, se fraie un sanglant passage à travers les ennemis, surpris par cette agression soudaine. La vergue de misaine du Triton, placée près du plat bord ennemi et l’ancre de ce vaisseau, qui n’a pas quitté notre sabord