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récit de chasse-marée.

davre défiguré arriva le long du ponton pour y rester ainsi attaché jusqu’au lendemain !

Ainsi finit mon cher camarade. Depuis je ne cherchai plus à m’évader, et j’attendis le jour de délivrance pour aller porter en Bretagne, au vieux père de Robert, cet argent qu’il avait si bien gagné et que le hasard avait laissé entre mes mains.

Ce ne fut guère que trois ans plus tard que je pus rendre ce dernier devoir à la mémoire de mon malheureux ami…

— Le père Vent-Debout fit un signe à Chasse-Marée qui s’arrêta. Un grand silence se fit, Paul tourna la tête, ouvrit les yeux et demanda si c’était déjà fini.

— Pour ce soir, oui, lui dit son oncle.

— C’est dommage, j’aurais bien voulu entendre encore parler de l’Hermite.

— Tu dormais donc ?

— Non, mon oncle, j’ai bien entendu l’histoire des pontons, mais j’aurais bien voulu que le capitaine l’Hermite vengeât Chasse-Marée.

— Merci, monsieur Paul. Si vous n’êtes pas fatigué, je peux vous contenter.

— Oh ! parlez !

— Soyez bref, dit l’oncle.

Chasse-Marée reprit :

— La guerre était terminée, mais il restait dans l’âme des marins une soif de vengeance telle, que, surtout autour de nos colonies, il y avait journellement des rencontres. C’était pour ainsi dire des duels, des rencontres particulières entre vaisseaux. Nos corsaires faisaient beaucoup de mal à la compagnie des Indes, se vengeant sur les bâtiments de commerce du mal que nous avaient fait les bâtiments de guerre anglais.

À Saint-Malo, où je m’étais acquitté de la dette sacrée de mon vieux Robert, je ne tardai pas à trouver un bâtiment en par-