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LES IVIFVES.

Ne vueille de la terre effacer leur memoire.
Qui t’inuoqueroit plus ? qui chanteroit ta gloire ?
Qui te ʃacrifieroit ? qui de tous les mortels
Se viendroit plus ietter au pié des tes autels ?
Seroit-ce le Medois ? ʃeroit-ce l’Ammonite ?
Las ! ʃeroit-ce celuy qui en Cedar habite ?
O Seigneur, ô Seigneur, vueille prendre pitié
D’Iʃrael ton enfant durement châtié.
Tu l’aurois vainement elevé ʃur la terre,
Vainement defendu de ʃes voiʃins en guerre,
Pourneant arraché le fardeau de ʃon dos,
Et conduit à pié ʃec par le milieu des flots,
Qui pour luy donner voye en deux parts ʃe fendirent,
Et, comme boulevars, par les flancs le couvrirent.
En vain, helas ! en vain tu l’aurois tous les iours
Repeu de ʃainte manne aux ʃauvages détours
De l’auʃtere Arabie, & ʃa ʃoif eʃtanchee
De l’onde iailiſſant d’une roche touchee :
Tu l’aurois pourneant par ces deʃerts conduit
Sous vn nuau de iour, & ʃous vn feu de nuit,
Prenant de ʃon ʃalut ʃolicitude telle,
Qu’on a de conferuer de ʃes yeux la prunelle :
Si ores l’ayant fait nombreux multiplier,
En ʃon adverʃité tu le viens oublier :
Tu le liures captif entre les mains profanes,
Et le vas confiner aux terres Caldeanes.
O peuples malheureux ! peuple cent fois maudit
Tu ʃçais bien que i’avois tes deʃaʃtres predit !
Que i’avois annoncé du grand Dieu la menace,
Afin qu’humilié deuant ʃa claire face
Le peuʃʃes recognoiʃtre, & qu’à force de pleurs,
De ieuʃnes & de cris previnʃes tes malheurs !
Mais tu as meʃpriʃé ces menaces prophetes,
Et m’as voulu meurtrir pour te les avoir faites,