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stimuler notre enthousiasme. Le vaisseau de la Compagnie amena avec ses couleurs les fanaux qui les éclairaient ! Nous venions de remporter une première victoire, et la possession d’un riche et puissant navire allait donc nous récompenser de notre sang versé !

— Embarque les yoliers, dit vivement le capitaine ; monsieur Graffin, faites armer vos hommes et allez prendre possession du navire qui s’est rendu.

Un hourra simultané et triomphant, poussé par nous tous, s’éleva vers les cieux en se mêlant joyeusement au bruit du canon, lorsque le maître d’équipage répéta ce commandement.

Comme si cet événement les eût frappés de stupeur, les navires ennemis cessèrent aussitôt le feu, et un silence morne et lugubre remplaça tout à coup le tumulte de la bataille. Seulement cette suspension des hostilités ne nous donnait pas à supposer que les Anglais acceptaient notre triomphe, car leurs couleurs nationales flottaient toujours dans les airs.

Bientôt, au contraire, des signaux partis de la corvette et répétés par les baleiniers, vinrent éveiller en nous de graves inquiétudes sur le sort de l’équipage du canot expédié pour aller amariner la prise : nous pressentîmes une trahison.

— Pourvu qu’aucun malheur n’arrive à ce bon et brave Graffin ! dit le capitaine l’Hermite en s’adressant à son lieutenant en pied et en se faisant l’écho du sentiment qui oppressait l’équipage.

Hélas ! cette crainte était à peine formulée, que la corvette anglaise envoie une bordée entière au vaisseau de la Compagnie, qui, pressé par cet argument sans réplique, hisse de nouveau son pavillon et recommence son feu avec un redoublement d’énergie.