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de M. Dalbarade, croyez-vous toujours que je voie, surtout par cette nuit profonde, les choses plus en noir qu’elles ne sont réellement ? Et puis, n’est-il pas logique que l’ennemi, connaissant nos forces et redoutant notre attaque du lendemain, nous prévienne, en profitant de la nuit, pour nous prendre au dépourvu, et songe à profiter de l’avantage d’une surprise ?… Heureusement que nous sommes prêts, et que nous l’attendons.

Comme si les événements eussent voulu sanctionner par une nouvelle preuve l’opinion émise par M. l’Hermite, à peine venait-il d’achever sa phrase que tout à coup un globe de feu illumine la gauche de la baie, puis presque au même instant une détonation retentit au loin, portée d’écho en écho, et un boulet passe en sifflant au-dessus de la frégate.

— Hisse le pavillon français ! ouvrez les sabords ! range à bord ! s’écrie aussitôt l’Hermite d’une voix éclatante en se précipitant sur son banc de quart.

Pendant que l’on exécutait ces ordres, Cinq épouvantables décharges opérées, à la fois, par les Cinq navires vinrent se croiser sur la Preneuse, et éclairèrent les couleurs anglaises qui flottaient à leurs mâts.

L’air tremblait encore du choc de ces terribles détonations, quand la voix forte et vibrante de l’Hermite retentit en sons métalliques à travers son porte-voix de combat et fit entendre ces mots si ardemment désirés par l’équipage : « Feu partout, feu ! » Un volcan éclata. Une fois l’action régulièrement engagée, c’est-à-dire lorsque nous fûmes parvenus à répartir convenablement notre feu sur nos adversaires, nous pûmes enfin reconnaître, à la lueur du canon, les forces qui se trouvaient en face de nous : elles étaient désespérantes. À tribord, nous avions à combattre trois grands baleiniers ; à bâbord,