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veille qu’il tenait déjà à la main pour monter à bord et ordonna à ses gens de pousser au large.

Hélas ! cet ordre ne fut que trop bien suivi : les avirons retombèrent aussitôt spontanément, et en un clin d’œil l’embarcation, que nous étions sur le point de surprendre, s’éloigna de nous. Quelques minutes plus tard, nous ne distinguions plus, dans le silence de la nuit, le bruit de ses rames, amorti par les humides vapeurs qui nous entouraient de toutes parts.

À peine ce fatal événement, car la fuite de ce canot était un des plus funestes contretemps qui pût nous arriver, d’abord, en ce qu’elle nous privait de l’avantage de connaître les forces des radiers d’une façon positive, ensuite en ce qu’elle leur apprenait qui nous étions, à peine ce fatal événement, dis-je, fut-il accompli, que le capitaine, qui se promenait sur le pont, accourut près du passavant. Il avait entendu l’embarcation accoster, la vérité lui était connue.

— C’est bien, dit-il froidement à l’officier, laissez reposer les hommes qui dorment. Nous n’attaquerons toujours que demain.

Le capitaine s’éloigna, et je retombai dans la profonde rêverie dont le parisien Valentin m’avait tiré un moment. Au reste, rien n’était plus propre à parler à l’imagination que la position dans laquelle nous nous trouvions.

L’incertitude pleine d’anxiété du lendemain, le silence solennel de la nuit à peine troublé par le clapotement monotone de la mer contre la frégate, l’obscurité profonde qui nous enveloppait, l’idée qu’à quelques brasses de nous