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pont parurent nous observer avec une indifférence qui nous rassura, et le navire continua sa route sans manifester le désir de communiquer avec nous.

Nous éprouvâmes une grande joie en le voyant disparaître, car s’il se fût avisé de nous héler, nous ne possédions personne à bord qui connût assez la langue anglaise pour pouvoir lui répondre sans trahir son origine française, et cela nous eût incontestablement fait reconnaître pour ce que nous étions.

Notre position, malgré ce danger évité, ne laissait pas toutefois que d’être toujours très délicate, critique même. Ignorant complètement la force et la nature des navires qui nous entouraient, sauf un, toutefois, le plus rapproché de nous, qui nous paraissait d’un très fort tonnage, nous ne savions pas au juste si nous jouions le rôle d’un vautour guettant sa proie, ou celui d’un vautour pris au trébuchet.

Quant au capitaine, ne pouvant commencer le combat sans connaître au moins à qui il avait affaire, et, en tout cas, se trouvant trop éloigné des navires ancrés, il nous avait annoncé qu’il patienterait toute la nuit ; ce délai lui permettait, en outre, d’attendre la brise du large, qui s’élève ordinairement vers les neuf heures, ce qui améliorerait beaucoup notre situation en nous permettant, le cas échéant, d’attaquer avec avantage.

Depuis une heure environ, l’équipage, réparti à son poste de combat, dormait avec cette heureuse insouciance, privilège précieux du marin, en attendant le moment de l’action.

Quelques hommes seulement, parmi lesquels j’étais placé en surveillance sur la dunette, s’entretenaient entre eux, à voix basse, sur les événements probables du lendemain.

— Sacré nom, me dit l’un d’eux nommé Valentin, vrai