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était protégé, ce que nous ignorions alors, et ce que nous n’apprîmes, hélas ! que plus et trop tard, par un fortin anglais.

— Laissez arriver, faites orienter sous toutes les voiles et gouvernez sur la crête surplombée du morne au pied duquel j’aperçois cinq navires à l’ancre, dit le capitaine l’Hermite en s’adressant au lieutenant Rivière, alors de quart. Voilà peut-être, groupées ensemble, continua-t-il après un moment de réflexion et de silence, assez de captures pour terminer aujourd’hui notre croisière. Cela vaut la peine que nous nous assurions du fait.

Vers les deux heures de l’après-midi, le capitaine, qui n’avait pas quitté un seul moment le pont, s’approcha de moi qui me tenais sur la dunette, à mon poste :

— Garneray, me dit-il en me souriant avec cette ineffable bonté qui chez lui s’alliait toujours à la plus inébranlable fermeté de caractère, n’oubliez point, mon ami, que je vous ai nommé premier peintre de marines du bord. Prenez vos crayons et venez près de moi : je ne serai pas fâché de conserver un souvenir exact de ce qui va se passer et de posséder, si je ne m’en empare pas, le dessin de ces cinq navires. Je ferai en sorte de jeter de temps en temps un coup d’œil sur votre travail, pour le rectifier au besoin. Ainsi, donc, tenez-vous prêt, et ne quittez pas mes côtés.

Le commandant, après m’avoir adressé ces paroles, fit quelques tours au gaillard d’avant, afin d’observer sans doute s’il opérait quelque mouvement sur la rade, puis se dirigea ensuite, avec un air de satisfaction évident, vers ses officiers réunis autour du cabestan : je le suivis pour me conformer à l’ordre qu’il m’avait donné de rester à ses côtés, et je me disposai à commencer tout de suite mon dessin.