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sud-est, route prescrite par les expéditions dont il venait de prendre connaissance.

Cet ordre fut un coup de foudre pour l’équipage. Adieu, rêves enchanteurs et charmants qui presque étiez une réalité ! Adieu encore une fois ! Le capitaine a parlé ; et comme chacun sait que personne n’est plus que lui esclave du devoir, chacun se résigne sans se plaindre.

C’est à peine si les matelots, en se portant à la manœuvre, jettent un dernier regard sur ces séduisantes insulaires, qui, nouvelles Arianes, se retirent le désespoir dans le cœur, pour attendre un autre navire. Chez le marin les sentiments sont mobiles, la philosophie profonde, et les événements fâcheux ont à peine eu le temps de s’accomplir, qu’il est déjà tout consolé.

En quelques minutes, la frégate se couvrit de voiles ; et, poussée par le même vent qui l’avait conduite à Madagascar, elle s’achemina vers la pointe sud du continent d’Afrique. Le 21 septembre, les vigies signalèrent, pour la seconde fois depuis notre départ de l’île de France, la terre. Cette terre, située à l’ouest, était extrêmement élevée et s’étendait à perte de vue du N.-N.-E. au S.-S.-O.

Le capitaine l’Hermite, après l’avoir longtemps observée et s’être bien assuré de la latitude, fit mettre en panne. Il faisait encore à peine jour.

Dès que les premiers rayons du soleil éclairèrent l’horizon, nous aperçûmes un des plus admirables paysages qu’il soit possible d’imaginer : une baie immense entourée de montagnes gigantesques et de formes pittoresques et bizarres, échelonnées en amphithéâtre. On reconnut cette baie pour être celle de Lagoa, où il existait un mouillage fréquenté alors par les baleiniers des nations neutres, ou par les bâtiments ennemis de la France. Ce mouillage