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pour être plus exact, gaspiller cet or qui lui pesait. Parmi ces souhaits, il y en avait dont la brutale grandeur, si je puis me servir de cette expression, rappelait l’époque du Bas-Empire ; tandis que d’autres, naïfs, pour ne pas dire enfantins, sentaient encore le parfum du village. Bref, c’était une débauche complète d’esprit ou de désir.

Bientôt de légères pirogues accostèrent la frégate et vinrent surexciter encore l’imagination de l’équipage en déposant sur le pont une gracieuse cargaison de jeunes et jolies femmes au teint cuivré, aux cheveux crépus, et dont les yeux lançaient des rayons de passion et de flamme.

Ces charmantes visiteuses, dont les intentions bienveillantes à notre égard n’avaient point besoin d’interprète pour s’exprimer, quoique nous ne comprissions pas grand-chose à leur langage, nous apportaient en outre des provisions de toutes espèces : fleurs, fruits, gibier, etc.

Dès lors, toutes les irrésolutions de l’équipage cessèrent ; tous les rêves se confondirent en une seule et même espérance.

Toutefois, au milieu de cette joie générale, une préoccupation grave et profonde pesait sur l’équipage : on attendait avec une inquiétude véritable le retour du capitaine sur le pont. Enfin l’Hermite apparut sortant de la dunette, et un grand silence se fit de toutes parts. Le sort de l’équipage allait se décider. L’Hermite, dont cent regards épiaient avec anxiété les moindres mouvements, avait l’air pensif et réfléchi. Pendant quelques instants il se promena de long en large sur le gaillard ; puis, contemplant ensuite d’un regard peiné et presque attendri le magnifique spectacle que présentait la vue de la terre, il se retourna vers l’officier de quart, et, comme s’il eût craint de s’être oublié, il lui commanda vivement de faire servir afin de gouverner au