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peu près de nous, auprès d’une petite île. Un cri immense et spontané s’éleva sur la Brûle-Gueule.

Les Anglais, surpris à l’improviste et comprenant l’impossibilité de soutenir une lutte avec des forces supérieures aux leurs, coupent leurs câbles, appareillent à la hâte, en jetant par-dessus bord tout ce qui les encombre, et se dirigent vers la rivière de Canton. La chasse commence aussitôt.

J’avais souvent, pendant le cours de cette traversée, été à même d’admirer la beauté de la construction et la supériorité de marche presque fabuleuse des bâtiments espagnols, qui nous rendaient facilement un bon tiers de leurs voiles et conservaient encore l’avance sur nous ; je maudissais cette supériorité, qui allait leur permettre d’aborder les premiers les Anglais, lorsque à mon grand étonnement, je les vis se ralentir peu à peu, et se laisser gagner par nos deux navires à vue d’œil. Du reste, la chasse allait bien ; nous n’étions guère, vers quatre heures, éloignés des Anglais que d’une lieue au plus.

Bientôt la Preneuse et la Brûle-Gueule, que leur mauvaise marche plaçait en arrière de la division, dépassent considérablement les vaisseaux espagnols et se trouvent à portée du canon de l’ennemi.

Le feu s’engage aussitôt ; nous échangeons plusieurs bordées.

— Monsieur Frélot, dit le capitaine en s’adressant à son second, apportez toute votre attention à ce que les artilleurs pointent aux mâtures ; nous sommes à une trop grande portée de l’ennemi pour espérer le combattre sérieusement, et tous nos efforts ne doivent tendre qu’à un but : celui de causer quelque avarie qui retarde sa marche, et donne le temps aux Espagnols de nous rejoindre… Au reste, je ne comprends plus rien à la conduite