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Cette division se composait, du côté des Espagnols, de deux vaisseaux de septante-quatre canons chacun : l’Europa et le Montagnes ; de deux frégates : la Fama et la Cabeza ; du nôtre, de la Preneuse et de la Brûle-Gueule.

La désertion de Kernau en m’isolant m’avait fait, je ne dirai pas reprendre mes crayons, mais au moins le dessin. Je passais presque toutes mes journées, en dehors des heures que je consacrais à l’étude de ma théorie, à charbonner sur tous les endroits de la corvette où le noir pouvait marquer, quelquefois des souvenirs des environs de Cavit ou de l’île de France, le plus souvent des navires.

La Brûle-Gueule, naturellement, était l’objet de ma pré­dilection ; je la représentai sous voile et sous toutes ses allures.

La place venant enfin à me manquer, je me rejetai sur les cages à poules ; toutefois, l’espace qu’elles m’offraient n’étant pas assez vaste pour permettre à mon charbon d’étaler ses lignes épaisses à son aise, j’eus recours à la pointe de mon couteau. Cela dura pendant quelques semaines ; ce temps écoulé, je me trouvai dans le plus grand embarras, et ne sachant plus comment continuer, lorsque le maître voilier vint à mon secours. Après avoir examiné mes ébauches avec le plus grand soin, et m’avoir présenté ses observations et ses critiques, il consentit à me donner un morceau de toile forte pour que je pusse continuer mes compositions. Seulement il m’avertit solennellement que si je gâtais cette toile par un dessin mal réussi, je n’eusse plus à compter sur lui. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si j’étais assez heureux pour réussir, il s’engageait à me fournir de nouveaux matériaux.

Non, jamais jeune peintre mis en loge pour concourir