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plein d’autorité, s’entretenait vivement avec un vieux francis­cain, le supérieur du couvent.

Je passerai sous silence, pour ne pas fatiguer le lecteur, les négociations qui suivirent notre arrivée, jusqu’à ce que la paix fût conclue. Un ordre plein d’à-propos et exécuté vivement, que nous donna l’enseigne Olivier, celui de fer­mer la porte massive du couvent qui donnait sur la rue, ne contribua pas peu, en isolant les franciscains de la foule à amener cet heureux résultat.

Seulement il fallait une victime à la colère de la plèbe et à l’amour-propre si vivement blessé des moines, et cette victime fut, hélas ! mon pauvre matelot. Il fut convenu que Kernau s’agenouillerait devant le supérieur et recevrait sa bénédiction. Le frère la Côte s’exécuta de l’air le plus maussade qu’il soit possible d’imaginer.

— Ah ! mille noms de noms ! nous dit-il en retournant à bord, car M. Olivier, dans la crainte justement fondée de voir cette affaire assez mal assoupie s’engager de nouveau, nous avait ordonné de nous rembarquer tout de suite ; ah ! mille noms de noms ! aussi vrai que je suis un Breton qui croit au bon Dieu, qui aime son curé, et qui se passe de temps en temps la fantaisie de faire brûler quelques cierges dans la chapelle de la Vierge ; que le diable m’emporte si ce n’est pas seulement pour vous éviter un échignement général que je me suis mis à genoux devant ce vieil oiseau déplumé… Je vous devais bien cette corvée, les amis, j’en conviens… Pas moins, je l’aurai longtemps sur le cœur.

— Dis donc, matelot, lui demandai-je, est-ce que tu as tué le Perez ?

— Du tout, vieux ; c’est lui, au contraire, qui, presque immédiatement après ton départ, m’a lancé sournoisement son couteau à la figure, et m’a coupé l’oreille…