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Notre maître d’équipage n’avait pas encore achevé ces paroles que nous nous étions déjà précipités sur les dra­gons, qui, ne s’attendant pas à cette brusque attaque, furent désarmés en un moment. M. Fiéret, connaissant trop la hiérarchie militaire pour ignorer ce qu’il devait à son grade, s’était emparé de l’épée de l’officier.

— À présent, en avant, enfants ! s’écria-t-il.

Un simulacre de décharge que nous fimes, et quelques vigoureux coups de crosse que nous distribuâmes avec autant de générosité que d’à-propos, nous frayèrent promptement un passage jusque dans la cour du couvent. Un spectacle flatteur pour l’amour-propre de notre équipage nous y attendait.

Kernau, la figure ensanglantée, il est vrai, mais droit, ferme, le regard assuré et moqueur, tenait froidement tête à la plèbe furieuse qui hurlait devant lui. À ses pieds gisait le corps d’un moine que je reconnus de suite pour Perez. Le frère la Côte, retranché toujours dans l’angle où je l’avais laissé, avait placé devant lui sa jeune protégée, et présentait à la foule ses deux pistolets armés. De temps en temps même il adressait à la charmante enfant un compli­ment accompagné d’une œillade : alors des cris et des hur­lements sauvages retentissaient jusqu’au ciel et comblaient de joie le cœur du Breton.

— Eh bien, chers amis, disait-il à la foule, est-ce que vous supporterez longtemps encore les impertinences d’un étranger hérétique comme moi ? Allons, un peu de courage ! que deux d’entre vous se dévouent à la cause commune et essuient le feu de mes pistolets. Allons, qui se sacrifie ? j’attends.

À quelques pas de mon impudent matelot, M. Olivier, le brave enseigne, entouré également par une plèbe exaspérée que contenait seul son maintien digne, hardi et