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Cinq minutes plus tard j’étais de retour avec les vingt camarades, qui, en apprenant la position critique de Kernau, s’étaient armés à la hâte de pieds de tables et de chaises, lourds et massifs, de brocs d’étain, de couteaux, enfin de tout ce qui leur était tombé sous la main.

Notre troupe, lancée au pas de course, arriva devant la porte du couvent avec l’impétuosité d’une avalanche en culbutant tout le monde sur son passage. Seulement, parvenue devant la demeure des Franciscains, elle fut arrêtée par une foule immense et suivie qui encombrait la rue.

Des cris furieux saluèrent notre apparition, chaque homme de la populace s’empressa de dégainer son couteau : les gamins ramassèrent des pierres.

Le combat ne tenait plus qu’à un hasard : un geste, un mot, un mouvement, et il s’engageait sur l’heure, lorsque tout à coup nous vîmes la foule s’écarter en poussant des hurlements de joie devant un détachement de dragons qui lui arrivait en aide.

L’officier qui commandait ce détachement, s’avançant à notre rencontre d’un air impertinent et martial, nous somma avec assez d’énergie et beaucoup de grossièreté de nous retirer à l’instant même, nous avertissant que, sur notre refus d’obtempérer à cet ordre, il nous ferait fusiller tous.

— Ah ! diable, est-ce que les carabines de vos hommes sont chargées, capitaine ? lui demanda notre maître d’équi­page Fiéret d’une voix dont l’émotion nous étonna et souleva nos murmures.

— Certainement, répondit l’officier.

— Fameux, alors, mes amis, reprit vivement Fiéret en se retournant vers nous, emparons-nous de ces armes ; elles nous seront de la plus grande utilité.