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regardant tendrement sa jolie et inconnue protégée. Sur ce, bonsoir la compagnie, mes compliments à vos dames, et que le diable vous torde à tous le cou.

Mon matelot, après cette belle péroraison, allait s’éloigner, lorsque le vieux franciscain lui barra le passage :

— Crois-tu que nous laisserons violenter cette jeune fille, misérable ? lui dit-il.

-Ah ! des mots !… Bon, ça va chauffer, Louis, murmura Kernau en se tournant vers moi. Surtout prends garde aux couteaux, garçon ; ces chafouins en ont jusque dans les plis de leurs robes.

— Eh bien ! reprit le franciscain, m’as-tu entendu ?

— Entendu et compris… parfaitement !

— Alors, je te le répète, laisse cette jeune fille et va-t’en !

— Oui, oui, qu’il laisse cette jeune fille, l’hérétique, l’impie, le damné ! hurlèrent en chœur les autres franciscains.

Kernau, ravi d’entendre ces cris qui lui donnaient l’espoir qu’une lutte allait s’engager, se mit à considérer de nouveau les moines en ricanant à leur nez et à leur barbe ; puis tout à coup poussant un bruyant éclat de rire :

— Ah ! pardieu, voilà qui est par trop drôle… Ce coquin de Perez qui crie plus fort que les autres…

Et le frère la Côte, joignant aussitôt l’action à la parole, se jeta d’un bond au milieu des moines épouvantés, happa l’infortuné ex-matelot par le collet de sa robe, et me le rapporta en triomphe.

— Tiens, vieux, me dit-il en le déposant à mes pieds, il sent encore le grog que je lui ai payé, l’ingrat !

À l’action du frère la Côte, plusieurs franciscains se précipitèrent vers la rue et se mirent à appeler les passants au secours.