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— À vos ordres, padre, dit le sacripant en abaissant son couteau. Qu’y a-t-il pour votre service ?

— Je viens de t’entendre demander si les paris étaient ouverts, mon fils, répondit le moine, et je désirerais t’examiner de plus près, toi et ton compagnon, pour savoir sur lequel de vous deux je dois aventurer mon argent avec une honnête chance de succès… Tu me sembles souple, agile et nerveux, oui, cela est incontestable ; mais sais-tu jouer du couteau ?

— Mon père était le fameux Espada, qui a été pendu si glorieusement à Manille, il y a à peine dix ans, et dont la mort, je puis avancer ce fait sans me vanter, car il appartient à l’histoire, fut si vivement ressentie par tous les gens de cœur… Je crois, padre, avoir hérité de quelques-unes des qualités de l’auteur de mes jours, ajouta le fils Espada en baissant modestement les yeux.

— Alors, mon jeune ami, je risque dix piastres en ta faveur. Qui tient mes dix piastres ? s’écria le moine en élevant la voix et en s’adressant à la foule.

— Moi respectable fraile, répondit un des spectateurs.

Le Franciscain, en entendant ces paroles, s’empressa de se rendre auprès de celui qui venait de les prononcer, afin d’arrêter définitivement les conditions de leur pari, de façon qu’une méprise n’eût pas lieu. Toutefois, avant de s’éloigner, il n’oublia pas de donner sa bénédiction au valeureux champion qui représentait, pour lui, une valeur de dix piastres.

— Eh bien ! vieux, me demanda Kernau, qui, comprenant la langue espagnole, m’avait traduit le dialogue que je rapporte ici, au fur et à mesure qu’il se débitait, que penses-tu de Cavit ? C’est-y donc farce et amusant que ce pays-ci ! Mais, motus, attention ! voici mes coquins qui vont commencer leur danse.