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— Avec moi, oui, connu !… de la liberté, de l’or, les louis de ton cousin et de l’expérience, ça va être une vraie vie de paradis… Mais je meurs de faim, allons déjeuner.

— Où me mènes-tu ?

Calle Santa-Teresa, ce qui signifie rue Sainte- Thérèse, chez une brave femme que je connais joliment bien, et qui ne se fera pas tirer l’oreille pour nous recevoir à bras ouverts… à moins qu’elle ne soit morte pourtant… Alors nous entrerons dans le premier bodegon, autrement dit bouchon, qui se trouvera sur notre chemin… D’abord, ici, on entre partout… c’est le pays du bon Dieu.

Pendant le trajet que me fit parcourir Kernau à travers la ville, j’observais avidement la curieuse population de Cavit-le-Vieux. J’apercevais de temps en temps de ces figures étranges, comme jamais je n’en avais vu de semblables nulle part ; de ces costumes admirablement débraillés, qui ont fait la réputation de Callot et de Salvator Rosa ; enfin, partout mon regard se heurtait contre une énigme, une originalité ou un mystère.

Un petit incident, moitié burlesque, moitié tragique, dont nous fûmes les témoins, nous arrêta dans notre course à travers la ville.

Deux sacripants, entourés par une foule nombreuse de gens qui, certes, ne valaient pas mieux qu’eux, se toisant du regard et se menaçant de leurs couteaux, se tenaient, séparés seulement par trois ou quatre pas de distance, en garde, et prêts à en venir aux mains.

— Eh bien, senores, dit l’un des deux combattants en se tournant vers les spectateurs, les paris sont-ils ouverts ? Qu’on se dépêche. Nous allons commencer.

— Attendez un instant, je vous prie, caballeros, s’écria un moine franciscain qui sortit alors de la foule et s’avança vers les adversaires.