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-le-Vieux, qui est situé de l’autre côté de la baie, à Manille, si nous ne nous amusons pas ici pendant que l’on réparera le navire, c’est que nous sommes des riens du tout.

— Est-ce que l’on s’amuse à Manille, matelot ?

— À Manille, pas trop ; c’est une ville de commerce : on y cause trop de piastres et de marchandises ; mais ici, à Cavit-le-Vieux, qui est la ville maritime proprement dite, on y jouit de tous les plaisirs imaginables… Mille noms de noms ! y ai-je tout de même passé déjà de bons moments !

— Quelle est la population de Cavit ?

— Des gredins finis, mais drôles comme tout. Tu trouveras ici des malins de tous les pays du monde, et tu peux penser hardiment et sans crainte de te tromper, quand tu rencontreras un matelot étranglé dans la rue, que cet homme a déjà été condamné quelque part à la potence !… C’est ici le refuge de tous les aventuriers et de tous les pirates du globe… Des canailles affreuses, c’est vrai, mais qui savent joliment égayer une société et mener la vie bon train…

— Et la police du pays tolère tous ces gens sans aveu ?…

— Comment ! si elle les tolère, mais elle les adore ! De qui donc vivrait-elle, sans eux ? Et puis, vieux, faut pas te figurer que la police fasse ici la bégueule comme en France… Ah ben oui !… une fois la nuit venue et les lumières éteintes, les patrouilles de soldats et les serenos, ou gardiens nocturnes, rivalisent entre eux de zèle à qui dévalisera le mieux les passants… Tu verras comme nous rirons…

— Tu sais que le capitaine de la Souchais m’a permis de rester à terre ?…