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Je ne demande qu'une chose à Dieu, c'est de recevoir, avant la fin de ma carrière maritime, un boulet de 24 en pleine poitrine ! c'est là mon rêve d'avenir, et, je ne sais si c'est le désir que j'éprouve de voir s'accomplir ce dénouement, je sens en moi comme un pressentiment intime de ma fin prochaine ! Encore une poignée de main, et adieu !

Je m'éloignais, lorsque mon cousin courut après moi.

— À propos, me dit-il, j'oubliais que tu n'as pas encore touché un seul mois de solde, et que tu es à sec. Prends ces vingt-cinq louis, mon ami, ils te serviront à supporter le séjour à terre pendant les relâches.

Ce cadeau me causa un plaisir d'autant plus sensible que mes finances et celles de mon matelot étaient, en effet, dans un déplorable état. Aussi m'empressai-je d'aller rejoindre au plus vite le frère la Côte pour lui raconter la bonne aubaine qui nous arrivait.

Quant à mon bon et brave cousin Beaulieu, cette fois était bien en effet la dernière que je devais le voir ; ses pressentiments ne se réalisèrent que trop complètement et trop tôt. En 1801, la frégate la Forte, qu'il commandait toujours, fut prise sur les brasses du Bengale par la Sibylle, et mon pauvre parent tomba mort pendant le combat sous un boulet.

Après un séjour trop long pour ma santé à Batavia, puisque j'y pris les fièvres du pays, le Pigot remit en mer. Le grand nombre des prisonniers que contenait la prise, et qui menaçaient à chaque instant de se révolter, força la corvette la Brûle-Gueule de nous escorter jusqu'à l'île de France; à peine arrivé à l'île de France, j'entrai à l'hôpital.

Pendant tout le cours de ma maladie, Kernau me visita avec une assiduité sans pareille et se montra plein de dévouement et de prévenances pour moi.