Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 39 —

IV

Le Breton, après avoir regardé autour de lui pour s’assurer que personne ne pouvait l’entendre, reprit en baissant encore la voix :

— Je ne me suis pas trop ennuyé aujourd’hui à bord, je l’avoue, mais les jours se suivent et ne se ressemblent pas… Qui sait si nous n’allons pas retomber de nouveau dans la fainéantise ? Cette vie ne me convient pas, et je suis bien déterminé à filer mon câble dans le premier port où nous relâcherons… Je puis compter sur toi, n’est-ce pas, vieux ?

— Ma foi, non, matelot, une désertion ne me va pas du tout à présent que nous sommes en guerre ; je te suis sincèrement attaché, mais je ne te suivrai pas.

— C’est bien entendu ?

— On ne peut plus.

— En ce cas, je reste encore. Quand le dégoût d’un service régulier s’emparera par trop de moi, que je ne pourrai plus y résister, eh bien… on verra ! À présent silence, voici l’officier de quart qui vient vers nous.

Après le combat de Madras, notre division alla relâcher à l’île au Roi, où elle répara ses avaries. Quelques jours plus tard, nous fîmes route pour Batavia. Dans la traversée, nous capturâmes un vaisseau de la Compagnie anglaise, le Pigot, qui essaya en vain de nous tromper en arborant le pavillon danois. Mon cousin, fidèle à son système d’éducation, me fit immédiatement passer sur cette prise.