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frappé en plein sur le coffret, rempli d'armes, placé sous le banc de quart de l'intrépide capitaine, qui était tombé au milieu de ces débris tranchants de fer et d'acier, et qui, quoique atteint de vingt blessures, s'était relevé aussitôt pour s'élan­cer à son poste de combat. Peu à peu les autres frégates hissèrent également leurs signaux ; on n'attendait que l'ordre de l'amiral pour commencer la poursuite.

Je crois voir encore, en traçant ces lignes, l'amiral se promener de long en large, la tête baissée et l'air pensif. S'approchant enfin du capitaine Beaulieu, il lui dit quelques mots à voix basse. Mon cousin s'inclina pour toute réponse ; mais à l'éclair de colère qui brilla dans ses yeux, au nuage qui passa sur son front, je compris que les paroles du marquis de Sercey lui avaient été pénibles.

— M. Bichier, s'écria-t-il en s'adressant au chef des signaux, annoncez aux frégates qu'elles aient à se rallier à nous. Nous ne poursuivrons pas l'ennemi.

Cette nouvelle si inattendue produisit une consternation inouïe parmi l'équipage. Il fallut aux hommes tout le respect que leur inspirait l'amiral, et toute la force de la discipline pour les empêcher de manifester hautement, énergiquement, le profond et douloureux désappointement que leur causait cette mesure.

Quant à moi, je déclare ici que je n'ai jamais pu me rendre compte de la conduite de l'amiral Sercey dans cette circonstance ; on prétendit que les instructions du ministère mettaient un empêchement à la capture des vaisseaux anglais le Victorieux et l'Arrogant, il faut que cela soit.

Quant à Kernau, furieux de voir l'Anglais nous échapper, il trépignait de colère.

— Mille noms ! mon vieux, me disait-il en accompagnant ses réflexions de gestes furibonds, je ne suis qu'un matelot, c’est vrai ; j’ignore comment on prend une hauteur et comment l'on