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rencontrai dans une réunion, t’avais-je trompé, mon garçon, en te promettant que si tu voulais associer ta fortune à la mienne tu n’aurais pas lieu de t’en repentir ! En comparant ta position actuelle à celle que tu avais lorsque Monteaudevert t’a présenté à moi, n’es-tu pas un millionnaire ? Crois-moi, ne me quitte pas.

— Je ne demande pas mieux, capitaine, que de m’embarquer de nouveau avec vous.

— Oui ; eh bien ! je dois mettre sous peu à la voile pour Bordeaux, où MM. Tabois-Dubois, les consignataires de mon armateur, veulent envoyer la Confiance, armée en aventurier, porter une riche cargaison : ainsi tiens-toi prêt. Mais, qu’as-tu donc ? Cette nouvelle semble te contrarier ?

— Ma foi, à vous dire vrai, capitaine, je sens qu’à présent que j’ai goûté l’Inde, il me serait difficile de m’acclimater de nouveau en France !… Je vous accompagnerai, parce que je ne veux pas vous quitter ; mais si ce n’était pour vous…

— Tu es un imbécile, mon cher Garneray, dit Surcouf en m’interrompant, non pas de préférer l’Inde à la France, au contraire, je t’approuve fort à cet égard ; mais bien de ce que, préférant l’Inde à la France, tu abandonnes le premier de ces deux pays pour retourner dans le second ! Et cela pourquoi ? parce que c’est moi qui commande le navire. Sérieusement parlant, je te remercie du sentiment d’affection que tu me portes et que, tu sais que je n’aime pas les phrases, je te rends bien, mon garçon !… Vois-tu, la vie est courte, et il faut savoir en jouir, c’est là la mission de l’homme intelligent… Tu aimes l’Inde, restes-y. Tu as de l’argent, j’en ai encore bien plus, si tu en avais besoin, à ta disposition ; intéresse-toi dans quelque affaire maritime, fixe-toi, pour le moment, dans ces parages.