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— À quoi cela eût-il servi ? à décourager l’équipage… pas si bête… Seulement je savais bien qu’une fois la besogne commencée, mes frères la Côte ne la laisseraient pas inachevée. L’événement a justifié mon espérance !

Le second du Kent nous avoua ensuite avec une franchise qui lui valut toute notre estime, que le capitaine Rivington, avant le commencement de l’action, avait eu la galanterie de faire avertir ses passagères que si elles voulaient assister au spectacle d’un corsaire français coulé à fond avec son équipage, elles n’avaient qu’à se rendre sur la dunette du Kent. Le fait est, ajouta le second, que je ne puis me rendre encore compte, messieurs, comment il peut se faire que je me trouve en ce moment votre prisonnier, et que le pavillon du Kent soit retourné sens dessus dessous en signe de défaite. Je ne comprends pas votre succès.

— Dame ! cela est bien simple, lui répondit Surcouf. J’avais engagé ma parole auprès de mon équipage qu’avant la fin du jour votre navire serait à nous ! Cela explique tout : je n’ai jamais manqué à ma parole.

Sur le champ de bataille que nous occupions se trouvait comme spectateur un trois-mâts more, sur lequel nous transbordâmes nos prisonniers. Toutefois Surcouf ne leur accorda la liberté que sous la parole que l’on rendrait un nombre égal au leur des prisonniers français détenus à Calcutta et à Madras, et que les premiers échangés seraient l’enseigne Bléas et les matelots de l’embarcation capturée par la Sibylle.

Ces arrangements conclus et terminés, Surcouf, mû par un sentiment de grandeur et de désintéressement partagé par son équipage, laissa emporter aux Anglais, sans vouloir les visiter, toutes les caisses qu’ils déclarèrent être