ancre qui enchaînent encore notre navire au bâtiment anglais, Surcouf fait venir devant lui le second du Kent pour lui demander des explications, et voici ce que nous apprenons :
En juillet 1800, les deux vaisseaux de la Compagnie anglaise des Indes the Kent et the Queen, tous deux de 1 500 tonneaux et montant chacun 38 canons, transportaient plusieurs compagnies d’infanterie et différents officiers et passagers à Calcutta, lorsque, se trouvant dans la baie de San-Salvador, au Brésil, le feu se déclara à bord du Queen, qu’il consuma entièrement. Son compagnon de route, the Kent, recueillit alors à son bord deux cent cinquante marins et soldats du vaisseau incendié, ce qui porta son équipage à 437 combattants, sans compter le général Saint-John et son état-major.
— Parbleu, mes amis, nous dit Surcouf après ces explications, savez-vous, qu amour-propre a part, nous pouvons nous vanter entre nous d’avoir assez bien employé notre journée ? Il nous a fallu escalader, sous une grêle de balles, une forteresse trois fois plus haute que notre navire, et combattre chacun trois Anglais et demi ! Ma foi, je trouve que nous avons bien gagné les grogs que le mousse va nous apporter !
— Parbleu ! je ne m’étonne plus à présent, Surcouf, dit en riant M. Drieux, qui avait lui-même si fort contribué à notre triomphe, si, quand nous abattions un ennemi, il s’en présentait deux pour le remplacer ; mais ce qui me surprend, c’est que toi, qui devines ce que tu ne vois pas, tu ne te sois pas douté, avant d’aborder le Kent, à quel formidable équipage nous allions avoir affaire…
— Laisse donc ! je le savais on ne peut mieux…
— Ah bah ! et tu n’en as rien dit ?