Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/353

Cette page n’a pas encore été corrigée

deuxième fois, dans le but d’atteindre cette position, il nous envoie toute sa bordée de tribord à demi-portée : un heureux hasard nous protégeait, sans doute la chance de Surcouf, car cette trombe de feu ne nous toucha même pas.

Alors la Confiance laisse arriver un peu pour passer sous le vent du vaisseau ; mais l’ennemi, qui comprend que cette manœuvre n’a pour but que de nous faciliter l’abordage, vire encore de bord une fois, et nous oblige, par son changement d’amures, à venir du lof sur l’autre bord, afin de le maintenir toujours sous notre écoute.

Cependant Dieu sait que le vaisseau ne craint pas l’abordage ; il croit en toute sincérité, et sans que cette croyance soit altérée par le moindre doute, qu’il aurait à l’arme blanche facilement raison de nous. Toutefois, il préfère à un combat, qui, bien que l’issue n’en soit même pas pour lui douteuse, peut, et doit cependant lui faire éprouver quelques pertes, il préfère, dis-je, nous foudroyer et nous couler à distance, sans s’exposer lui-même à aucun danger.

Pour manœuvrer plus commodément, il cargue même sa grande voile. Cette manœuvre n’est pas encore terminée, que Surcouf, avec cette perception rapide et inouïe qui le distingue à un degré si éminent, et lui a déjà valu tant de prodigieux succès, pousse un cri joyeux qui attire l’attention de tout l’équipage. C’est le rugissement triomphant du lion qui s’abat victorieux sur sa proie.

— Il est à nous, mes amis ! dit-il d’une voix éclatante.

La plupart de nos marins ne comprennent certes pas la cause de cette exclamation ; mais comme Surcouf, à leurs yeux, ne peut se tromper, ils n’en accueillent pas moins cette bienheureuse nouvelle avec des cris de joie.