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malheur et leur faiblesse, et nous leur montrerons ce qu’il y a de générosité et de délicatesse dans le cœur des corsaires français !… Ce que je dis là a l’air de vous contrarier, Fontenay !… Oui, je sais que vous êtes friand d’aventures… Tant pis pour vous ; je veux et j’entends que ces femmes soient traitées avec les plus grands égards…

— Voilà aussi des messieurs habillés de rouge, semblables à des écrevisses bouillies, dit à son tour l’enseigne Viellard, qui haussent les épaules et nous tournent le dos !…

— Tant mieux donc, cela est de bon augure ! répond le Breton, qui semble s’amuser des insultes que nous prodiguent nos ennemis, mais qui, on le voit à l’éclair de son regard et à la mastication nerveuse de son cigare, est en proie intérieurement à une profonde colère.

En effet, Surcouf pour tromper son impatience, passe son poignet dans l’estrope du manche de sa hache, frotte la pierre de son fusil avec son ongle, jette son gilet à la mer, et, déchirant avec ses dents les manches de sa chemise jusqu’à l’épaule, met son bras puissant et dénué d’entraves à l’air.

— À plat ventre tout le monde, jusqu’à nouvel ordre ! reprend-il après un léger silence qu’il emploie à dompter sa fureur.

Pendant le cours de nos préparatifs et de notre conversation, le vaisseau ennemi avait viré de bord vent devant pour rallier la Confiance et pouvoir ensuite la foudroyer tout à son aise ; de notre côté, nous avions exécuté la même évolution, afin de gagner sa hanche, tomber après sous le vent à lui et lancer nos grappins à son bord.

Nos amures étaient à bâbord, les siennes à tribord, aussi, dans le moment où nous le croisions pour la