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serrent énergiquement dans leurs mains calleuses un solide bâton.

Surcouf, toujours plein de prévoyance, fait distribuer aux non-combattants, qu’il range au milieu du pont, de grandes piques ; et il leur donne la consigne de frapper indistinctement sur nos hommes et sur ceux de l’ennemi, si les premiers reculent et si les seconds avancent.

Les hunes reçoivent leur contingent de monde ; des grenades y sont placées en abondance, et notre commandant confie la direction de ces projectiles meurtriers aux gabiers Guide et Avriot, dont il connaît l’intrépidité, l’adresse et le sang-froid. Enfin des chasseurs de Bourbon, expérimentés et sûrs d’eux-mêmes, s’embusquent sur la drome et dans la chaloupe pour pouvoir tirer de là, comme s’ils étaient dans une redoute, les officiers anglais.

Dès lors, nous sommes en mesure d’attaquer convenablement : nous faisons bonne route.

— Savez-vous bien, capitaine, dit un jeune enseigne du bord, nommé Fontenay, que tous ces cotillons juchés sur la dunette du navire ennemi ont l’air de se moquer de nous ! Regardez ! elles nous adressent des saluts ironiques, et nous font de petits signes avec la main qui peuvent se traduire par : « Bon voyage, messieurs, on va vous couler ! Tâchez de vous amuser au fond de la mer ! » Oh ! que nous allons nous divertir !

— Fanfaronnade que tout cela ! reprend Surcouf. Ne vous mettez point ainsi en colère, mon cher Fontenay, contre ces charmantes ladies… d’autant plus qu’avant une heure d’ici nous les verrons, humbles et soumises, courber la tête devant notre regard !… Alors, ma foi, il ne tiendra plus qu’à nous de leur jeter le mouchoir ; mais nous serons plus généreux et plus polis envers elles qu’elles ne le sont en ce moment pour nous !… Nous respecterons leur