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Robert Surcouf s’adressant alors au patron de la yole, un nommé Kerenvragne :

— Kerenvragne, mon garçon, lui dit-il, tu as confiance en moi, n’est-ce pas ?

— Sacré tonnerre !… Si j’ai confiance en vous ! Mais c’est vraiment, sauf votre respect… ce que vous me demandez là, mon capitaine ! Encore pire qu’un dieu, vous dis-je !…

— Bois ce verre de vin à ma santé, prends ce gros épissoir, reprit Surcouf en lui présentant l’instrument annoncé, et puis, quand vous serez à mi-chemin de la frégate, flanque-moi deux ou trois bons coups au fond de la yole de façon qu’elle s’emplisse promptement.

Ici Surcouf parla bas à l’oreille de Kerenvragne, qu’il affectionnait au reste particulièrement, et lui remit, en essayant de le dissimuler, un rouleau recouvert de papier, que ce dernier laissa tomber dans la poche de son pantalon.

— C’était pas la peine, dit Kerenvragne, enfin, ça n’y fait rien… Salut, capitaine !

— Tu ne m’embrasses pas ?

— Comment donc, mais avec beaucoup d’agrément ! répondit le marin extrêmement flatté de cette marque d’amitié, et en repoussant au fond de sa bouche la formidable chique qui gonflait sa joue.

Dix secondes plus tard, la yole, commandée par M. Bléas, quittait notre bord.