Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/335

Cette page n’a pas encore été corrigée

réfléchi pendant à peine cinq ou six secondes. Lorsqu’il nous montra de nouveau son visage, nous comprîmes, au sourire moqueur qui plissait ses lèvres, que tout espoir n’était pas perdu. Cependant nous n’étions plus guère éloignés que d’un quart de portée de canon de la Sibylle. À peine Surcouf a-t-il prononcé quelques mots que déjà il est compris : aussitôt, malgré la gravité de notre position, qui semble désespérée, officiers et matelots se mettent en riant à l’œuvre. On retire des grands coffres un assortiment complet d’uniformes anglais, et chacun se travestit en toute hâte.

Cinq minutes ne sont pas encore écoulées que l’on ne voit plus déjà que des Anglais sur notre pont ; la mascarade ne laisse plus rien à désirer. Alors une trentaine de nos hommes, d’après l’ordre de Surcouf, suspendent leurs bras en écharpe ou emmaillotent leurs têtes : ces hommes sont des blessés. Pendant ce temps, on cloue en dedans et en dehors des murailles du navire des plaques en bois, destinées à simuler des rebouchages de trous de boulets, puis on défonce à coup de marteau les plats-bords de nos embarcations. Enfin un véritable Anglais, notre interprète en chef, affublé de l’uniforme de capitaine, prend possession du banc de quart et du porte-voix. Surcouf, habillé en simple matelot, est placé à ses côtés, prêt à lui souffler la réplique.

Nos préparatifs étaient achevés, lorsqu’un jeune enseigne de notre bord, M. Bléas, s’avança coiffé d’un chapeau à casque au pied du banc de quart où se tenait Surcouf.