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XIII


Le capitaine hollandais s’arrêta un moment à cet endroit de son récit, puis rappelant à lui tout son courage, il reprit bientôt ainsi :

« Je ne vous dirai pas, capitaine, mes angoisses de cette nuit, nulle langue humaine ne pourrait les rendre. Je continue. Au moment où les premiers rayons du jour éclipsaient la lumière blafarde du fanal hissé au grand mât, un léger souffle fit vaciller sa lumière ; c’était la brise qui se levait ! Vous dépeindre les transports de joie que cet événement causa à l’équipage me serait impossible… Quant à moi je l’accueillis avec indifférence ; n’était-il pas trop tard pour sauver mon fils ?

« Les voiles carguées pendant les cruels jours de notre supplice sont bientôt livrées au vent qui les arrondit et les enfle ! Mes matelots retrouvant quelque énergie réussissent à déferler et à hisser les huniers, pendant que les passagers recueillent avidement les gouttes de pluie qui tombent sur le pont.

« Quant à moi, une seule idée me poursuit, me préoccupe : Si le ciel voulait que je pusse sauver mon fils ! Oh ! non, cela est impossible : ce serait trop de bonheur ! N’importe ; je m’empresse, aux premiers souffles de la brise, de faire diriger le navire sur l’embarcation ; moi-même je me suis placé à la barre du gouvernail !

« Un dernier supplice m’attendait : le vent, s’élevant subitement, saute et change plusieurs fois de suite ;