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« – Capitaine, me dirent encore mes matelots, au nom du ciel, au nom de la vie de votre fils, laissez-nous mettre la pirogue à la mer… cette embarcation est facile à manier…

« – Mais vous, malheureux ?

« – Oh ! mon capitaine, si nous succombons, la perte ne sera pas bien grande… Nous ne sommes plus bons à rien…

« – Non, mes amis, m’écriai-je avec violence, car je me sentais prêt à céder, je ne veux pas !… je ne suis déjà que trop coupable pour avoir si légèrement exposé ces cinq hommes…

« J’allais poursuivre, quand, je ne dirai pas des cris, mais bien des hurlements poussés par les hommes de l’embarcation, s’élevèrent au large avec tant de violence que nous restâmes tous à bord frappés de stupeur et d’effroi.

« – Capitaine ! me dirent mes matelots…

« – Allez ! leur répondis-je.

« J’étais vaincu.

« Les gens de l’équipage se précipitent à la pirogue, on l’affale à l’eau. Dévouement inutile ! Les bordages, longtemps exposés à l’action brûlante d’un soleil de feu, se sont disjoints, et l’étoupe qui s’est séchée dans les coutures tombe par l’effet des secousses et du frottement qu’éprouve l’embarcation en descendant le long du navire. À peine la pirogue est-elle parvenue à la mer qu’elle s’emplit !

« Nous ne pouvons plus rien tenter en faveur des canotiers, rien ! J’avais besoin de pleurer ; je me retirai un moment dans ma cabine.

« Il me fut impossible d’y rester longtemps, et je me hâtai de remonter sur le pont : un matelot s’était emparé