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un fanal en tête du grand mât pour lui indiquer la position du navire : je lui recommandai en outre de relever de temps à autre la boussole, pour connaître la direction à suivre pour revenir à bord du Bato.

« Toutes ces précautions prises, je l’embrassai tendrement, ainsi que ses six compagnons de voyage ; car, quoiqu’ils n’eussent guère que cinq lieues à franchir, ils étaient tous si faibles que cette courte distance présentait pour eux les plus grands dangers.

« Enfin le canot partit ! L’équipage, s’appuyant sur les bastingages, le salua d’une longue acclamation d’encouragement et de reconnaissance.

« Soit que les hommes qui montaient la frêle embarcation fussent excités et soutenus par cette marque d’intérêt, soit que la pensée qu’ils allaient bientôt pouvoir combattre la soif qui les dévorait leur eût rendu une partie de leurs forces, toujours est-il que nous les vîmes, avec un sentiment de joie indicible, appuyer sur leurs avirons avec vigueur et s’éloigner rapidement.

« Après un quart d’heure de ce violent exercice, rendu plus fatigant encore par un soleil de plomb, ils s’arrêtèrent pour reprendre haleine, mais ce temps de répit dura peu ; l’embarcation se mit de nouveau en marche. Seulement je crus m’apercevoir que cette fois les canotiers ralentissaient peu à peu le mouvement régulier de leurs rames. Hélas ! les voilà qui s’arrêtent encore ! Ma longue-vue braquée sur eux, je ne perds aucun de leurs mouvements. Je les aperçois d’abord essayant de ranimer leurs forces en buvant les quelques gorgées d’eau que nous leur avions accordées pour les soutenir pendant leur voyage ; ensuite ils s’adressent tous à la fois en gesticulant à mon fils, qui tient la barre. Celui-ci