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pour ne plus songer qu’à eux-mêmes : ils allaient bientôt avoir de l’eau en abondance, des vivres à discrétion : pouvaient-ils songer à autre chose ! Malheureusement notre espoir fut déçu, la brise qui s’était levée s’éteignit presque subitement, et le navire que nous apercevions à peine à travers l’espace devint immobile. Nous tînmes immédiatement un conseil, dont le résultat fut qu’il nous fallait à tout prix aborder ce navire.

« Si c’est un simple bâtiment de commerce, il nous donnera au moins de l’eau, pensions-nous ; si c’est un vaisseau de guerre ennemi, il nous prendra ; si c’est un vaisseau ami, il nous prêtera probablement un chirurgien pour soigner nos malades.


« Notre résolution avait été facilement prise ; toutefois son accomplissement présentait les plus grandes difficultés, car l’équipage était si exténué, si faible, qu’il ne pouvait guère trouver assez de force pour mettre à la mer le canot qui devait transporter notre petite expédition à bord du bâtiment en vue. Cependant, grâce à l’espèce de surexcitation que nous donnait l’espérance de posséder bientôt de l’eau fraîche, nous vînmes à bout de cette expédition.

« Une fois l’embarcation à l’eau, six matelots de bonne volonté s’y embarquèrent : mon fils, jeune homme de dix-huit ans et de grand avenir, qui servait sous mes ordres en qualité de lieutenant, en prit le commandement. Moi je ne voulais pas consentir à le laisser partir, mais il me représenta si éloquemment que sa parenté avec moi était justement ce qui devait le forcer à donner l’exemple du dévouement et du courage, que je ne pus m’opposer plus longtemps à son désir. Seulement, avant de lui permettre de descendre dans le canot, je lui donnai toutes les instructions que je crus nécessaires, et je le prévins que s’il n’était pas de retour avant la nuit, je ferais hisser