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que notre route étant la même que la sienne, nous voguons de conserve avec lui.

Surcouf s’informe aussitôt de la position du Bato, et une voix faible et exténuée lui répond que l’on manque de tout à bord. Notre commandant dirige tout de suite une embarcation vers le navire hollandais. Cette embarcation nous ramène bientôt un homme pâle, défait, aux joues creuses, aux yeux hagards, à la barbe longue et inculte : c’est le capitaine du Bato.

— J’ai faim et j’ai soif ! dit-il d’une voix sourde en mettant le pied sur le pont de la Confiance.

Surcouf s’empresse de lui faire servir un bouillon et une bouteille de bon vieux vin que le malheureux avale avec avidité, puis, fort alors, il peut répondre aux questions qu’on lui adresse et nous raconter sa lamentable histoire. Tout l’équipage l’entoura et écouta avidement son récit ; c’est un des plus lugubres épisodes maritimes que l’on puisse concevoir. Je le rapporte aussi fidèlement que me le représente encore ma mémoire.

« J’étais parti, en emportant avec moi une riche cargaison et un assez grand nombre de passagers, nous dit-il, lorsque nous fûmes surpris par un de ces calmes plats comme il ne s’en trouve que sous l’équateur.

« Les premiers jours, mes passagers s’amusaient a jeter différents objets flottants dans le sillage du Bato pour pouvoir se rendre compte de sa lenteur : deux semaines plus tard, ces légers débris flottaient encore le long de notre bord !

« Le découragement, l’impatience et la nostalgie principalement commençaient à nous gagner, lorsque, pour comble de malheur, une affreuse maladie épidémique s’abattit sur nous ! Dès lors le Bato présenta un spectacle affreux : partout des gémissements, des imprécations et des pleurs ! L’épidémie