Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/317

Cette page n’a pas encore été corrigée

rapidement sa face triangulaire ; on dérape l’ancre ; la nappe du petit hunier, abandonnant la vergue, pèse, gonflée par la brise, sur le mât de misaine qui s’assure par un léger craquement, le navire tourne sur sa quille, développe au vent son flanc armé, toutes les voiles s’orientent au bruit des sifflets des maîtres, des hourras et des chants tumultueux de l’équipage ; puis, reprenant enfin le joug de son gouvernail, la Confiance s’élance en creusant un sillon qui montre qu’elle saura franchir cent lieues par jour.

Adieu délicieuse île de France ! Qui sait si nous te reverrons jamais, paradis enchanté du matin ! À présent nous appartenons au hasard !

Une semaine s’était déjà écoulée depuis notre départ du Port-Maurice et depuis trois jours, grâce à la marche supérieure de la Confiance, nous avions franchi l’équateur, lorsque nous eûmes connaissance un matin d’un gros navire.

Nous fîmes route dessus pendant toute la journée et toute la nuit, car, l’heure des ténèbres venue, ce navire arbora un fanal dans sa position. Personne à notre bord, pas même Surcouf, ne comprenait rien à cette singulière conduite.

Enfin, le lendemain matin, grâce à la rapidité de notre sillage, nous parvînmes à l’atteindre, et nous reconnûmes tout de suite en lui un hollandais. Nous vîmes écrit, sur son couronnement, en lettres d’or, le mot Bato : c’était son nom.

Une chose qui nous surprit beaucoup, c’est que le hollandais faisait route à la rencontre d’un canot qui flottait alors à une certaine distance de lui. Enfin nous sommes à portée de la voix, et nous pouvons d’autant mieux communiquer,