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— C'est bien, Louis, c'est tout ce que je voulais, me répondit-il en reprenant son air sévère. À propos, sais-tu nager ?

— À peine, mon capitaine.

— Bien… À présent, approche ici, toi, continua-t-il en se retournant vers Kernau.

Mon matelot obéit avec autant de gaucherie que d'em­pressement ; le manque involontaire de respect qu'il venait de commettre paralysait toute son assurance habituelle. Je me retirai par discrétion de quelques pas en arrière. Cette précaution était du reste inutile, car mon cousin Beaulieu, approchant sa bouche de l'énorme tête du Breton, lui parla pendant quelques secondes à voix basse tout contre l'oreille.

Jamais je n'oublierai l'expression d'étonnement profond qui se peignit sur le visage de mon matelot dès les premiers mots que lui dit notre capitaine.

Un « Ah ! bah ! » sonore qu'il ne put retenir, et qui vint aggraver, bien contre sa volonté assurément, sa première inconvenance, me prouva le trouble de son esprit.

— Eh bien ! continua le capitaine Beaulieu à haute voix, puis-je compter sur toi ?

— Dame, capitaine, répondit Kernau, s'il ne s'agissait que…

— Pas de phrases ; oui ou non !

— Alors ! capitaine… c'est que… c'est pas une chose de service…

— Assez ! Une dernière fois, oui ? non ?

— Au fait, excusez, c'est oui que je voulais dire, capitaine.

— C'est bien convenu, bien entendu, tu as bien compris ?

— Si c'est bien convenu ?… je crois bien… Si c'est compris ? Ah !