Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/309

Cette page n’a pas encore été corrigée

Soit que M. Marouf se trouvât ce jour-là dans une mauvaise disposition d’esprit, soit que Surcouf lui eût rendu une visite particulière, toujours est-il qu’il affecta la plus grande colère, et, prononçant le mot de révolte, il fit fermer les grilles du commissariat de la marine et appeler des troupes en toute hâte.

— Ah ! c’est comme ça, mes enfants, que vous tenez à vos promesses, et que vous respectez l’autorité ! dit-il aux frères la Côte, que sa présence avait déjà calmés ; eh bien ! nous allons rire… Je m’en vais d’abord vous inviter à passer quelque temps à la maison de campagne… vous vous reposerez tout à votre aise de vos orgies de ces jours derniers ; ensuite, nous aviserons !

Or, ce que M. Marouf appelait si agréablement sa maison de campagne, c’était une geôle affreuse située derrière la porte du port, et adossée au bureau de la marine.

Ce que le marin aime par-dessus tout, ai-je besoin de le dire ? c’est sa liberté. Mais au moment du départ, quand il lui reste une orgie à finir, un baiser d’adieu à donner, une piastre à dépenser, cet amour atteint chez lui des proportions inouïes. On n’aura donc pas lieu de s’étonner que la menace du petit Provençal produisit une immense terreur sur ces frères la Côte, si insouciants cependant devant la mitraille et la tempête.

Surcouf, le traître Surcouf, profitant habilement de ce moment critique, apparut alors comme un dieu sauveur. Il supplia le terrible Marouf de vouloir bien retarder de quelques instants l’accomplissement de sa menace, se faisant fort, lui Surcouf, de ramener au sentiment du devoir les malheureux égarés qui refusaient avec si peu d’intelligence le bonheur qui les attendait.

Le commissaire de la marine, vaincu par la prière du corsaire, consentit, tout en grognant, à lui accorder ce qu’