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donner plus de poids et de consistance à cette blague, il a fait placer des cages à poules à son bord jusqu’au ras des bastingages. De plus, il s’engage, le maudit farceur, à relâcher tous les quinze jours pour se procurer des vivres frais ! Tous les frères la Côte sont tombés dans le panneau et ne veulent plus s’embarquer qu’avec lui. Mais que le diable me torde le cou si je ne lui sers pas, à mon tour, un plat de mon métier. J’ai mon idée… nous verrons !…

Surcouf, après avoir prononcé ces paroles avec colère, mit son chapeau, et, se précipitant vers la porte, sortit sans nous expliquer davantage ses projets.

Or, voici, ainsi que nous l’apprîmes plus tard, de quelle façon s’y prit notre capitaine pour contrecarrer les intentions et neutraliser l’avantage obtenu par Dutertre.

Surcouf envoya au bureau de la marine une soixantaine de mauvais drôles, créoles ou étrangers, en leur remettant deux piastres à chacun pour leur peine, se faire porter sur le rôle de son équipage, chacun sous le nom d’un matelot qu’il désirait avoir et qu’il leur indiqua. La chose s’opéra sans la moindre difficulté. Quelques jours plus tard, ces mêmes matelots, portés à leur insu sur les registres de la marine, furent appelés au commissariat. Que l’on juge de leur étonnement et de leur fureur lorsqu’ils apprirent qu’ils se trouvaient engagés malgré eux. L’esprit d’opposition agissant, ils commençaient à pousser des vociférations menaçantes, lorsque le commissaire de la marine, M. Marouf, petit Provençal vif et entêté au dernier degré et le croquemitaine des frères la Côte, se présenta inopinément à leurs regards.