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— Eh bien ! capitaine, lui dis-je, êtes-vous sorti vainqueur de vos ennuis ?

— Oui, mon garçon, merci. J’ai remarqué une chose, c’est qu’en affaires je me suis toujours bien trouvé de ma brusquerie et de ma rondeur : avec cela je viens à bout de tout.

L’installation du corsaire marchait activement, et nous comptions pouvoir prendre la mer dans un mois au plus tard, lorsqu’un événement auquel Surcouf était loin de s’attendre vint lui causer un grave embarras.

Surcouf avait négligé jusqu’alors, sachant l’empressement que les matelots disponibles à l’île de France mettraient à s’embarquer avec lui, de compléter l’équipage de la Confiance. Il savait que sur à peu près cent cinquante frères la Côte, inoccupés pour le moment, pas un seul ne lui ferait défaut. Or, voilà qu’un matin il apprend que le capitaine Dutertre armait également un corsaire, nommé le Malartic, en l’honneur du gouverneur et général de ce nom.

Dutertre, qui, les souvenirs de l’amitié ne doivent pas nous faire déguiser la vérité, était certes l’égal de Surcouf pour le courage, l’intelligence et les connaissances maritimes, avait dans l’île de nombreux partisans. Breton comme Surcouf, il était natif de Port-Louis ; il ralliait à sa personne tous les Lorientais qui se trouvaient dans la colonie, et puis un grand prestige s’attachait à sa personne. On savait que les deux mobiles de sa conduite étaient l’amour de son état et la haine de l’Anglais.

Dutertre, désintéressé, ne tenait pas plus à l’argent qu’aux douceurs de la vie, et pendant ses croisières il mangeait à la gamelle avec son équipage.