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pour de l’argent, tandis que les Anglais, disait-il, ne combattaient que pour l’honneur et pour la gloire !

— Eh bien ! qu’est-ce que cela prouve, lui répondit le Malouin, sinon une chose, que nous combattons chacun pour acquérir ce qui nous manque ?

Un matin que je me rendais, selon mon habitude, chez Surcouf, je le rencontrai dans la rue ; il me prit familièrement par le bras et m’emmena avec lui.

— Garneray, mon garçon, me dit-il, tu vois en ce moment dans ma personne un homme très ennuyé ; j’ai une corvée à remplir qui me pèse sur la poitrine.

— Ne puis-je, capitaine, m’en charger pour vous ?

— Impossible, tu es trop blanc-bec pour cela, mon garçon… Il s’agit, vois-tu, de tenir tête à un diplomate et à un finassier… pourvu que je ne me mette pas en colère… J’ai affaire à un capitaine de deux liards du commerce et au consul du Danemark… C’est là que demeurent ces deux chenapans, continua Surcouf en me désignant une maison située près de la grande église, monte avec moi et attends un peu… je ne resterai pas longtemps, nous reviendrons ensemble.

Pendant que mon capitaine entrait dans le salon où se trouvait le consul danois, l’on me faisait passer dans un petit cabinet contigu à cette pièce, dont une mince cloison le séparait seulement. Ce fut à cette disposition des lieux que je dus d’entendre en entier, et aussi distinctement que si je me fusse trouvé avec eux, la conversation qui s’établit entre le capitaine, le consul danois et Surcouf ; conversation que je rapporte fidèlement ici, pour donner une idée des précautions que prenait le capitaine de la Confiance, et des sacrifices qu’il savait faire pour préparer ses succès.

Après quelques échanges de politesse qui me permirent de connaître la voix du consul danois, Surcouf prit la parole.