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sur vous comme s’il eût voulu lire au plus profond de votre cœur. Son visage, couvert de taches de rousseur, était un peu bronzé par le soleil ; il avait le nez légèrement court et aplati, et ses lèvres minces et pincées s’agitaient sans cesse. Au total, il semblait bon vivant, un joyeux convive, un joyeux marin, et il éveilla toute ma sympathie. Seulement, le tutoiement dont il s’était servi vis-à-vis de moi ne me plaisait que médiocrement, et je me promis de lui faire sentir cette inconvenance.

Je venais d’achever de préparer mon grog lorsqu’il revint nous trouver :

— Eh bien, Garneray, me dit-il, sommes-nous plus gai à présent ? Allons, trinquons. Ta jeunesse et ton mauvais guignon, mon enfant, m’ont tout à fait disposé en ta faveur !… Sans compter, m’a-t-on dit, que l’Hermite t’estimait, et l’Hermite est un gaillard qui se connaît en individus… À ta santé… merci.

L’inconnu avala alors d’un seul trait son grog brûlant, et reprit :

— Voilà qui est convenu, Garneray, à partir d’aujourd’hui tu m’appartiens… Tu viendras prendre mes ordres et gazouiller un peu avec moi tous les matins. Je t’attache à ma personne en qualité d’aide de camp.

— Je te remercie beaucoup, lui répondis-je ; mais je voudrais bien savoir d’abord quel est ton nom ?

— Mon nom ! s’écria l’inconnu en éclatant de rire. Ah ! tu ne sais pas mon nom.

Puis, se retournant alors vers le capitaine Ripeau de Monteaudevert, qui faisait des efforts inouïs pour garder son sérieux :

— Satané farceur, lui dit-il en se tenant les côtes, c’est comme cela que tu blagues tes protégés… Après tout elle est bonne, la charge… Sacré farceur, va…