Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se rappelant qu’il a oublié d’emporter ses lettres d’expédition, ordonne que l’on rebrousse chemin.

Le danger est grand, mais comment ne pas obéir ! L’embarcation accoste bientôt sur l’arrière des grands porte-haubans de l’Amphitrite presque submergée, et Maleroux, avec une audace qu’un bonheur inouï justifie, saute dans la chambre presque déjà remplie d’eau, s’empare de ses expéditions et remonte sur le pont.

Malheur ! au moment de mettre le pied dans la chaloupe, notre infortuné capitaine sent un obstacle peser sur sa tête : c’est le filet de casse-tête du gaillard d’arrière[1] ; Maleroux, sans perdre en rien son sang-froid, essaie en vain de se dégager, sans pouvoir y parvenir. On se précipite à son secours, mais efforts impuissants ! L’Amphitrite s’enfonce au même moment, en emportant dans sa tombe humide et son digne commandant et la chaloupe dont l’équipage s’est dévoué pour essayer de le sauver.

Quelques matelots valides qui montent cette embarcation se jettent à la mer ; la plupart sont entraînés par la violence du gouffre que vient de creuser la submersion de notre pauvre Amphitrite, et ceux-là ne reparaissent plus ! D’autres enfin, plus heureux, s’emparent de vive force du canot de la mouche-goélette anglaise, qui leur sert à atteindre celui que la Perle envoie à leur secours.

X


Lorsque les débris de notre équipage furent réunis sur

  1. Ce filet, tendu horizontalement à dix pieds au-dessus du pont, est destiné à amortir les coups des objets que les projectiles ennemis précipitent du gréement sur le tillac.